Lei était un petit garçon aventureux. Il avait pour habitude de jouer autour d’un grand lac gelé, au beau milieu de la taïga. Il ne manquait de rien, à part peut-être, d’un ami. Une nuit d’hiver, le vieux gel le guida vers une butte de neige. C’est alors qu’il vint au petit garçon l’idée d’en faire une petite fille de neige. Une fois la sculpture achevée, il dit, s’adressant à la petite fille en neige :
« Salut, je m’appelle Lei ! »
La petite fille de neige ne bougea pas, son visage restait immobile et blanc comme le froid. Le petit garçon, ennuyé, fit demi-tour quand tout à coup, une douce voix l’appela :
« Bonjour. »
Lorsque Lei se retourna, la petite fille avait pris vie, son visage était un peu plus rose qu’avant et ses yeux étaient devenus brillants.
« Je suis Snégourotchka, la fille de la neige et du froid », dit-elle, de sa voix charmante et claire.
Lei resta sur place, subjugué et émerveillé à la fois.
« Tu viens ? » fit-elle.
Sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, la petite fille l’entraîna sur le lac et le fit danser avec elle sur la glace. Les deux enfants riaient de joie. Mais quelqu’un les observait. Une nymphe prétentieuse se cachait derrière les arbres de la forêt qui bordait le lac. La présence du garçon et de la petite fille de la neige ne lui plaisait guère.
« Cela ne durera pas… j’y veillerai. »
Sur ces mots, elle quitta les lieux, laissant les deux enfants s’amuser ensemble, pour le peu de temps qu’il leur restait.
Les semaines avaient passé, et la verdure commençait à réapparaître. Il restait encore un mince tapis de neige sur les collines et autour du lac. Le soleil, quant à lui, gravissait lentement la voûte céleste et illuminait la pleine de ses rayons chauds et dorés. Lei descendait jusqu’au lac. Il ne vit personne. Une petite voix l’appela :
« Je suis ici ! »
La petite fille de la neige se trouvait dans une caverne, située en amont du lac. Le garçon la rejoignit :
« Tu viens, on va s’amuser dehors ! » s’exclama-t-il.
La petite fille ne bougea pas.
« Je ne peux pas » dit-elle.
Elle s’avança doucement vers les rayons du soleil qui délimitaient l’entrée de la caverne. Elle tendit sa main pâle vers la lumière. Des petites gouttes d’eau coulèrent le long de son bras avant de disparaître sur le sol encore frais de la grotte.
« Tu vois, je fonds… »
Lei la rassura :
« Ça ne fait rien, on jouera ici dans ce cas ! »
Mais la doucereuse nymphe des eaux et des forêts avait tout entendu. De son bâton à tête d’anguille, elle fit apparaître une gibecière replie de quelques pièces d’or au beau milieu du lac.
« Où va l’aiguille, le fils suit » déclara-t-elle, confiante.
Elle s’enfonça de nouveau dans les bois, en esquissant d’un rire malsain.
« Regarde, qu’est-ce que c’est ? », demanda le garçon qui venait d’apercevoir un objet doré qui scintillait sur la surface rosée du lac.
« Je vais voir ! » déclara-t-il.
« Non ! Coupa la petite fille. La glace est bien trop fine à présent ! »
« Ne t’en fais pas ! » rétorqua Lei.
Sans l’écouter d’avantage, il s’élança dans la pente. Il posa un pied sur le lac. La glace, encore présente, semblait pouvoir soutenir son poids. Lentement, il avança sur le grand lac illuminé par le soleil.
« Renonce, cela n’en vaut pas la peine ! » cria la petite fille, inquiète, restée dans la grotte.
Mais Lei ne prêtait plus attention à sa voix, la lumière dorée l’attirait. Il avait enfin atteint le centre du lac, le sac était là, à quelques mètres de lui. Il dit, tout haut :
« Oh ! C’est de l’or… »
Crac ! La glace avait cédé et Lei, hurlant de froid s’était retrouvé plongé dans l’eau sombre du lac.
« Lei ! »
Sans hésiter, Snégourotchka s’élança hors de sa froide caverne pour secourir son ami. Au fur et à mesure qu’elle s’approchait du trou de glace, son corps de neige semblait s’évaporer. Elle eut tout juste le temps de sortir l’enfant de l’eau quand elle s’effondra en un tas de neige qui se transformait déjà en une flaque d’eau. Lei, trempé et horrifié, s’écria :
« Non ! Reviens ! Reviens… »
Il essaya de reformer le visage de la petite fille avec les derniers morceaux de glace qui n’avaient pas encore fondu, en vain. La petite fille de la neige avait disparu. Lei fondit en larme. Il resta quelques instants sans bouger, puis, plein d’amertume, jeta la sacoche au fond de l’eau et quitta la vallée, le corps et le cœur meurtris par le froid.
Les fragments du corps de Snégourotchka n’étaient plus que de minuscules gouttes d’eau constellées qui remontaient doucement vers le ciel lumineux.
« Adieu, mon ami, adieu,
Je retourne dans les cieux.
Maintenant je suis en eau,
Je vais retourner là-haut. »
Vesna, la déesse, mère de Snégourotchka, rassura Lei, avec ces derniers mots qu’il entendra peut être : « Snégourotchka est là. Bien vivante. L’hiver prochain, le froid reviendra et la belle Snégourotchka, aujourd’hui changée en eau, redeviendra de glace. Et vous vous retrouverez, et vous aimerez à nouveau. »
FIN